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le 19 Décembre 2010 à 15:32:00
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La quatorzième interview de Colors Of WildLife est consacrée à un photographe, qui aime s'immerger au coeur des grands espaces sauvages Kenyans (et plus particulièrement le sanctuaire animalier du Masai Mara).

Focus sur un COWpain

Denis Sekula (Denis-S)


Denis Sekula

Si tous les sujets l’attirent, il avoue avoir développé un gros faible pour les lions. Leur charisme,  leur puissance ou encore les liens sociaux qu’ils entretiennent, le fascinent.

Adepte de la photographie "exigeante", il n'hésite pas à porter un regard critique et constructif sur son propre travail... Pour aller, sans cesse de l'avant.

Nous le remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice avec beaucoup de gentillesse et d’implication.

COW – Denis, tu es connu sur Colors Of WildLife, sous le pseudo de Denis-S. Membre depuis le 14 Mai 2008, tu as retenu l’attention notamment au travers de ton carnet de voyage : Masaï Mara: 15 jours dynamiques. Certes, on te connait… Mais peux-tu nous tracer en quelques lignes, ton déclic pour la photographie animalière et de nature ?

DS - A l'approche de la trentaine, un de mes amis s'est équipé d'un reflex, encore argentique à l'époque. Après avoir pris en main l’objet, j’ai réalisé tout le potentiel créatif et passionnant qui s’ouvrait devant moi. Une fois le virus inoculé, j’ai commencé à dévorer les magazines photo, ce qui me permettra d’acquérir quelques fondamentaux techniques, et surtout artistiques. Je foule pour la première fois le continent africain en 2000. Pour ce safari initiatique, je choisis le Kenya, en camp de brousse, à Massaï Mara. A peine arrivé sur place, c’est l’émerveillement total : Je découvre de vastes territoires, où les animaux sauvages vivent selon leurs propres règles. Des lions, des éléphants, des guépards, des zèbres, des girafes… La diversité, la richesse de la faune, ou encore les scènes de vie observées, sont incroyables. Le coup de foudre est instantané, irréversible. C’est un rêve d’enfant qui se réalise. J’ai depuis une soif inextinguible de rencontres animalières.


Denis Sekula - Chasse de guépards sur une jeune gazelle(1)


COW – Au sujet de la fascination qu'exercent les lions sur toi, quel comportement rêverais-tu de saisir ?

DS - Le simple fait d’observer et de photographier les lions suffit à me contenter (Sauf lorsqu’ils dorment du sommeil du juste des heures durant). Au-delà de leur seule compagnie, même si cela peut sembler un peu dur, je rêve de mettre en boite une chasse en groupe sur un buffle, dans son intégralité. Ces chasses, très risquées pour les lions, sont d’une intensité inouïe. Il faudra pour ce faire que je visite le camp de l’ami Tony hors saison, lorsque les gnous sont repartis en Tanzanie.


Denis Sekula - Lion chassant un jeune gnou(1)


COW – Ton site fait référence, au travers de sa rubrique « SOS Lions » à la recherche de solutions pour une cohabitation durable entre le félin et l’homme. Peux-tu nous en dire plus sur le sujet ?

DS - Tony Crocetta nous sensibilisait, via une récente publication, au risque de disparition du guépard. Mais le suivant sur la liste pourrait bien être… Le lion. Qu’en est-il précisément de l’évolution de la population des lions en Afrique ? Son classement officiel est « vulnérable » (Source : UICN). Les statistiques sont toutefois effrayantes : D’approximativement un million d’individus au début du XXème siècle, on n’en recense qu’environ 23.000 aujourd’hui, vivant principalement à l’intérieur de réserves protégées. Et ce nombre continue à diminuer.

Les raisons de ce déclin sont multiples, et complexes à endiguer. Les lions ont besoin de vastes territoires. La plupart des réserves sont trop petites, et presque toujours trop éloignées les unes des autres. Cet enclavement ne permet plus les croisements génétiques nécessaires au bon renouvellement des générations. Les lions vivant dans ces espaces protégés deviennent alors plus vulnérables aux maladies. Dès qu’ils sortent des parcs, ils entrent en compétition directe avec l’homme, dont la croissance démographique impose sans cesse de trouver de nouvelles terres cultivables ou pâturables. Les lions sont alors souvent tués, notamment en représailles lorsqu’ils s’attaquent au bétail. Pourtant méconnue, la méthode la plus souvent employée est l’empoisonnement. En effet, les lions mangent souvent leurs proies en plusieurs fois. Certains bergers piègent la carcasse de l’animal avec du pesticide. Les lions meurent alors dans d’atroces conditions. Cette pratique cause également des ravages désastreux chez d’autres espèces nécrophages (hyènes, vautours, chacals). Ce pesticide (Carbofuran ou Furadan) est américain. Son utilisation est d’ailleurs interdite aux Etats-Unis et en Europe, en raison de ses graves répercussions sur la faune. Dans la culture Massaï, tuer un lion faisait partie du rituel pour prouver sa bravoure, et accéder au rang de guerrier. Considérer les lions comme un atout à protéger, plus que comme un ennemi ancestral, reste un long processus d’évolution des mentalités. Les Massaïs n’ont qu’une seule richesse: leur cheptel. La perte d’un seul animal est extrêmement mal vécue. Un programme de compensation financière, pour chaque bête tuée par un lion, a été instauré. Si les bergers éliminent les prédateurs, ils ne seront pas indemnisés. Ils ont donc tout à gagner d’un tel système. Les devises engendrées par les visiteurs sont, entre autre, un premier pas vers la survie des animaux. Mais le tourisme seul ne suffira pas : C’est le courage et le travail sur le terrain des ONG, qui permettent surtout d’atteindre des résultats probants à long terme. Au Kenya, l’organisation « living with lions » déploie des efforts considérables pour la préservation et l’étude des lions. Elle gère plusieurs projets simultanément à Amboseli, au Kilimandjaro, à Laikipia, et enfin à Mara. Des Massaïs sont recrutés et formés à l’importance des félins pour l’équilibre des écosystèmes. Ils aident, par exemple, les bergers à éviter les zones fréquentées par les prédateurs, à confectionner des clôtures naturelles plus efficaces pour protéger le bétail pendant la nuit, etc. Ils sensibilisent à leur tour leurs communautés aux bienfaits d’un équilibre préservé entre humains et animaux sauvages.


Denis Sekula - Lion et lionceau(1)


COW – Depuis le temps que tu fréquentes le Masai Mara, quels changements positifs ou négatifs as-tu remarqué ?

DS - Le Kenya, bien que riche d’un environnement exceptionnel, souffre de nombreux maux, humains ou naturels, et les conditions de vie y sont très rudes. Le Massaï Mara représente aux yeux de beaucoup la Mecque de la photographie animalière. Le parc connaît une affluence qui frôle le tourisme de masse, mais la majorité des visiteurs ignore la pression que nous imposons à la faune dans son ensemble.
Parmi les points négatifs que j’ai remarqués :
Il y a une vingtaine d’années, la vie sauvage débordait loin au-delà des limites du parc. C’est désormais un lointain souvenir.
Les bergers Massaïs semblent posséder des troupeaux de vaches de plus en plus importants, et s’enfoncent de plus en plus à l’intérieur de la réserve.
Les représailles contre les lions qui perdurent (Je sais, je me répète…)
A contrario, si la règle d’or reste le non interventionnisme, les rangers essaient de protéger (parfois des hordes de touristes) les guépards, surtout lorsqu’il y a de nouvelles portées.
Au final, je ne souhaite pas jeter la pierre à qui que ce soit. Nous, européens, n’avons en matière de préservation des prédateurs, aucune leçon à donner. Après avoir éradiqué loups et ours de nos campagnes, nous ne savons même pas si nous saurons un jour cohabiter à nouveau avec ces espèces. Je ne concevrai pas d’aller tous les ans photographier mes félins préférés, sans m’engager un tant soit peu, à mon humble niveau. J’espère sincèrement que les lions continueront à rugir ailleurs que dans des grands zoos à ciel ouvert.


Denis Sekula - Jeune guépard(1)


COW – Quelle fut d’ailleurs, ta plus forte émotion vécue au cœur de ce sanctuaire animalier ?

DS - Le séjour qui me marqua un peu plus que les autres, se déroula en septembre 2009. Durant celui-ci, j’ai assisté à des scènes de vie qui, si elles ne brillent pas par leur rareté, furent inédites pour moi. Avec en prime des images « exploitables » à la clé. Voici la petite histoire du moment le plus intense : Alors que nous cherchons un endroit pour la pause café, nous tombons sur une famille de lions (clan de Notch), qui s’agite au milieu de buissons, presque invisibles. La végétation est trop dense pour espérer photographier quoi que ce soit. Ne me parviennent aux oreilles que les grognements caractéristiques des lionceaux, toujours enclins à se chamailler. Alors qu’ils sont à peine visibles, Tim, notre super guide Massaï, lâche nonchalamment : « She’s going to drink » (Elle va aller boire). A ce jour, je ne sais toujours pas comment il a pu le savoir si précisément. Toujours est-il que moins de deux minutes plus tard, la lionne et sa progéniture sortent de leur cachette, et se dirigent effectivement droit vers l’eau (c’est officiel : je veux me réincarner en Massaï dans ma prochaine vie !). Tim ayant anticipé le scénario, nous sommes déjà parfaitement positionnés, avec le soleil dans le dos. L’appareil commence à crépiter, lorsque je réalise que la mère veut porter un des petits dans sa gueule. L’émotion monte d’un cran. J’ai presque du mal à croire ce qui se passe devant mes yeux. En une fraction de seconde, tout se met parfaitement en place, comme par enchantement : La lumière est là, il n’y a pas d’herbes hautes, l’arrière plan lointain est bien flou, la lionne tourne doucement la tête vers nous, je bascule le cadrage, et je déclenche tout ce que le boîtier peut avaler, le tout en contenant une belle montée d’euphorie (personne ne se moque, hein ?!).


Denis Sekula - Portage de lionceau(1)


COW – Tu retournes sans cesse dans l’Eden Mara, espace sauvage de tes émotions. Un autre parc dans un autre pays te tenterait-il, si oui lequel et pour quelles raisons ?

DS - Bien sûr, je souhaite ardemment découvrir d’autres pays africains : Le Botswana en tête, avec le delta de l’Okavango. J’ai failli y partir en décembre, mais le voyage a été annulé, faute de participants. Ce n’est que partie remise. Il y a également le Luangwa, moins connu, où la pression touristique est plus légère.

COW – Il parait que tu as passé, ainsi que ta compagne une nuit en tente au Mara, disons "frissonnante", par le fait de la proximité d'un hippopotame. Peux-tu nous la conter ?

DS - C’est l’histoire du Massaï en bottes, qui a bien fait rire tout Melting Pot Safari en 2009. Notre tente était située juste à coté d’un passage vers la Mara, condamné par des arbres et autres branchages. Il s’avère que les hippo ont la fâcheuse habitude de squatter le camp, après l’extinction des feux (ils sont quand même chez eux, après tout). Presque toutes les nuits, j’étais convaincu qu’un garde Massaï faisait des rondes dans le camp. Je confondais en fait le bruit des pas feutrés de l’hippopotame, avec celui d’un homme marchant dans des bottes en caoutchouc. La honte totale ! Pour couronner le tout, en plein milieu de la dernière nuit, un hippo a hurlé de colère en se prenant les pattes dans les arbres morts, dans un fracas de tous les diables, à moins de trois mètres de la tente. Nous l’avons ensuite entendu respirer, totalement immobile, pendant plus d’une heure juste derrière nous. Je vous laisse imaginer nos mines déconfites au petit matin.

COW – Quelle est la rencontre la plus forte, ramenée de ton dernier séjour Mara ?

DS - Sans conteste la migration des gnous. Comme tous les COWpains partis cet été avec Melting Pot, nous avons eu droit à de nombreuses traversées. C’est un des derniers grands spectacles de la vie animale, auquel j’ai eu le privilège d’assister (et je compte bien récidiver !).


Denis Sekula - Lion et jeune gnou(1)


COW – S'il te fallait choisir, quel serait ton meilleur souvenir vécu sur le terrain (même s'il n'y a pas eu d'image) ? 

DS - Et bien… Toujours mon portage de lionceaux, et c’est mon dernier mot JP (facile celle-là !).

COW – Dévoiles nous un peu, ta quête du Graal ? En matière d'observation et de photographie.

DS - Photographier le léopard des neiges au Kirghizistan, en totale immersion. Pour ceux que ça intéresse, le dvd de la BBC-Planète Terre, et notamment le making of-en disent assez long sur la difficulté de la chose. Mais cette aventure là n’est pas pour tout de suite. Sinon, dans un domaine plus accessible (encore que…), des portages de bébés léopards et guépards.

COW – Tu es très exigeant avec toi-même photographiquement. Quelle est ta devise photographique?  Et Quels sont tes goûts en la matière (sujets, style d'image, animaux dans leur environnement, portrait, graphisme, ambiance...) ?

DS - Ma devise photographique: Du dynamique qui pique, sinon rien!! Celui qui m'a collé ça dans un obscur recoin de mon inconscient se reconnaitra. Avec le temps, j’ai développé une préférence pour les photos réalisées dans des conditions délicates. Les ambiances brumeuses, pluvieuses, poussiéreuses, où la lumière devient difficile à dompter, m’attirent de plus en plus. Tous ces ingrédients obligent le photographe à être imaginatif et à affuter son regard. Je m’inspire, entre autre, du travail de Vincent Munier. J’aime ces images subtiles, où la nature y est souvent plus suggérée que dévoilée. Voilà vers quoi je tends en ce moment.


Denis Sekula - Gnous dans la poussière(1)


Et encore quelques unes, voyages en Afrique (façon Proust remodelée)
COW – Ton lieu, objet et temps de planque le plus long ?

DS - Les attentes répétées au bord de la Mara, pendant des heures et sous un soleil de plomb, en espérant que les gnous se jettent à l’eau.


Denis Sekula - Lionne(1)


COW – La limite atteinte par ta patience ?

DS - Les imbéciles, pour rester poli, qui vous ruinent ces agréables heures d’attente au bord de la Mara : Debout sur les 4x4, klaxons, positionnements qui bloquent les gnous, etc… Je reconnais perdre assez vite mon flegme lorsque cela se produit.

COW – Le son de la savane que tu préfères ?

DS - Le chant du Coucal, en faisant la sieste sur la banquette du 4x4.

COW – Pour terminer : As-tu quelques projets de publication dans tes cartons ? Ou d’autres projets en perspectives que tu souhaiterais partager avec nous ?

DS - Je n’ai aucun projet de publication actuellement. J’espère vous faire partager d’ici à la fin de l’année 2011, des images de pygargues prises à l’affut en Hongrie, ou encore du mythique Grizzly Blanc canadien (Spirit Bear).

(1) Crédit photos : Denis Sekula
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