Trafic de viande en Namibie

[nammanu]

Hello,

un sujet pas drôle mais d'actualité. Surtout avec la sécheresse qui sévit actuellement et les difficultés à vendre les bêtes qui ne grossissent pas. Les portes du marché sud af sont presque fermées.

Ici la consommation de viande est mystique, les femmes se font des lotions pour la peau au jus de viande car cela rend fort.
A l'école certains profs font compter les jours en fonction de celui ou on mange de la viande.

Et meme si la viande est moins chère qu'en Europe, elle n'est pas à la portée de tous.

Bref, beaucoup de demande, une production importante, des fermes et des parcs immenses à surveiller. Cela est tentant pour certains de créer des filières parallèles.

Le trafic se fait sur le bétail, mais aussi sur le game (encore plus dur à surveiller). Ici on appelle game le gibier sans distinction : koudou, oryx, springbook, éland... bref tout ce qui a 4 pieds et n'est pas une chaise.

Bien sur cette économie ne profite pas aux pauvres. Et le but n'est pas de nourrir sa famille. Il existe d'ailleurs des supermarchés bien peu regardant, en particulier sur toutes les viandes séchées.

Images d'une opération anti braconnage menée aux environs d'Otjiwarongo

Les gros moyens sont utilisés, et si la police participe, l'hélico et beaucoup de matériels sont privés, en fait tout sauf la voiture de la police.


Les animaux sont découpés et séchés sur place, les territoires sont si grands, peu de chance de se faire prendre


On est loin de la production pour sa famille. J'ai retiré les photos les plus horribles mais vous pouvez imaginer les pièges et autres façons d'abattre les animaux.


séchage un peu plus artisanal


La viande est saisie


Des "passeuses et/ou revendeuses" arrêtées. Quel rôle, quel niveau d'implication ? A coup sur pas les gros bonnets.


A noter que la présomption d'innocence est un terme très relatif et que les interrogatoires sont parfois musclés.


Bon ce n'est pas de belles photos d'animaux mais c'est un grand problème écologique et humain dans de nombreux pays d'Afrique.
Et malheureusement le but n'est pas de nourrir les plus pauvres.

Emmanuel

[Simba]

Merci Emmanuel pour ce très rare témoignage en image d'un trafic malheureusement trop pratiqué...

C'est comme la viande de girafe découverte récemment dans les biltong sud africains en lieu et place du Koudou.

Il doit en effet avoir un sacré trafic là dessous 

[teddybear]

J'avais vu un reportage sur un cas similaire en Afrique du sud ou en Namibie. Ils braconnaient avec des collets et faisaient sécher la viande sur place, dans la réserve. Gonflés. Il se sont fait arrêter, mais ce n'était pas évident.

La semaine dernière, j'étais à l'AG de l'assoc dont je fais partie, la lutte anti braconnage en Afrique (caméra cachée, faux acheteur etc.) est une lutte sans fin, et plutôt ingrate, sans parler des risques pris. On y laisse facilement sa vie...

Pour ce qui est des trafics de viande de brousse, dans certains quartiers de Paris, on trouve de tout...
Sujet politiquement sensible...Bref.

Lors de vols entre l'Afrique de l'ouest et l'Europe, aux différents hubs européens, en cas de retard important de l'avion faisant la dernière partie du trajet Europe - Europe, de très nombreux passagers se préoccupent de leurs bagages... à cause de la viande de brousse qu'ils contiennent.

Parmi les espèces tuées pour leur viande, j'ai tout de même été surpris d' entendre citer les porcs - épics et les lamantins...Pour les grands singes je savais...en fait tout  y passe...

Lors des interventions dans les écoles là bas pour sensibiliser les enfants à la protection de la faune, les intervenants demandent souvent aux enfants "Qui a déjà manger du gorille?" grand moment de solitude pour les intervenants lorsque tous les doigts se lèvent...

[Yaara]

Un sujet que je connais malheureusement bien.
Ici en Afrique de l'Ouest, où la faune a déjà été largement décimée, la viande de brousse continue d'être largement consommée. Comme vous l'avez déjà dit, ce sont essentiellement pour des raisons culturelles et économiques. Mais ici, les autorités sont souvent complaisantes, voire parfois complices. Et les moyens de lutte sont dérisoires.
J'ai vu de tout sur les étals des marchés ou lors d'enquêtes, de saisies ou simplement au village, à cuire ou à fumer dans la cour familiale... des primates en tout genre, du pangolin, du croco, de la vipère, du python, tous les bovidés possibles et imaginables, du porc-épic (qui est en effet un mets très apprécié et même recherché), du suidé (y compris dans les pays musulmans), etc. Même les félins -quand il en reste- passent à la casserole.

Mais la viande n'est que l'une des facettes du trafic.
Certains animaux valent par exemple bien plus cher vivants que morts. Pour prendre un cas que je connais bien, les chimpanzés, nombreux sont les bébés dont les parents ont été abattus pour la viande. Mais les petits survivants (qui prennent quand même parfois des plombs au passage, en plus du traumatisme d'avoir vu leur mère -et souvent d'autres membres du groupe- se faire tuer) rapportent plus d'argent en étant vendus comme animaux de compagnie. Sur le marché local, ça va de plusieurs centaines de dollars à un ou deux milliers, au niveau international ça peut allègrement dépasser 10 000 US$.
Il en va de même pour un autre type d'animal que je connais bien, les félins. Un bébé lion ou léo, c'est tellement mignon ! Sauf qu'une fois adolescent puis adulte, ça devient gros, cher à entretenir et un tout petit peu dangereux... et les carnivores ont la cote ; vous ne pouvez pas imaginer le nombre de gens qui ont chez eux, ici, des civettes, mangoustes, genettes, mais aussi des léopards ou des lions !
A ce propos, n'achetez jamais, ô grand jamais, un animal sauvage, même pour le relâcher quelque part ou le donner à un refuge. Vous ferez plus de mal que de bien, car en voulant en "sauver" un, vous en condamnerez beaucoup d'autres, en encourageant la capture future de ses congénères.
Dans d'autres cas, c'est bien morts que les animaux valent le plus cher, mais la viande n'est pas toujours ce qui est recherché en premier. Elle est souvent "offerte" au chasseur comme bonus (sauf dans le cas de "mets" très spéciaux), pendant que le commanditaire récupère les peaux, os, griffes, dents...
C'est bien connu qu'un médicament à base de poudre d'os de lion, ça soigne tout, à commencer par les pannes sexuelles !

Il est important de noter, et je ne m'appuie pas sur des rumeurs mais sur des données publiées et vérifiables, que l'immense majorité du trafic international en provenance d'Afrique est à destination de l'Asie, et de la Chine en particulier. Mais tout le monde ou presque ferme les yeux. Pas plus tard que la semaine dernière, la Guinée-Conakry a été sanctionnée par la CITES. Plus aucun permis d'export ou d'import ne sera plus délivré tant que les autorités n'apporteront pas la preuve qu'ils ne délivrent plus des permis à n'importe qui, n'importe comment. A votre avis, les pays de destination de l'écrasante majorité des exportations ? Chine, mais aussi Vietnam, Japon... dans un pays où le niveau de vie est extrêmement bas, il n'est pas bien difficile de corrompre de hauts fonctionnaires... croyez-vous que ces pays importateurs ont eux aussi été sanctionnés ? Pas le moins du monde.
Nombre de pays africains -ou du moins leurs dirigeants- préfèrent brader leurs ressources, incapables de les exploiter ou de les valoriser eux-mêmes (parce qu'ils ne le veulent pas, qu'ils ne s'en donnent pas les moyens, sinon les compétences ne manquent pas). Le développement ne peut pas passer par ce système. L'argent des miniers, des forestiers et autres pétroliers n'est pas réinvesti dans la formation des locaux, pour pouvoir devenir enfin maîtres de leurs propres richesses naturelles.  Cela passerait aussi par le développement d'une agriculture moderne et modérée ou dans le perfectionnement des systèmes de santé et d'éducation.

Pendant ce temps, la majorité crève de faim et manque d'argent, et va donc chercher où elle le peut ce qui lui manque. Sans aucun souci de savoir ce qu'il en restera demain, leur souci étant de savoir s'ils vont trouver de quoi manger aujourd'hui.