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le 09 Janvier 2010 à 13:26:00
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La dixième interview de Colors Of WildLife est consacrée à un photographe passionné d'ornithologie et de nature.

Henry Brousmiche


Henry Brousmiche

Il se plait à partager sa passion pour les oiseaux, à mettre en lumière les beautés d’un pays africain encore préservé du tourisme de masse : l’Ethiopie. Son livre "Ethiopie, contrée sauvage" ponctue d’ailleurs, son parcours de photographe. Amoureux des contrées riches en vie sauvage, il est également très sensible aux problèmes humanitaires et y consacre pas mal d'énergie.

Il organise aussi les concours photos et dessins Aves et les Expositions d’Art Animalier de Namur et s’est passionné dans le tirage grand format des photos de photographes au sein de sa société :  Adventures-Sign.

Pour en savoir un peu plus : son site.

Nous le remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice.

COW - Peux-tu nous présenter ton parcours et ce qui t’a amené à devenir photographe animalier ?

HB - C'est une longue histoire… A 12 ans, j'ai rencontré un vieux monsieur, Franz Cantraine, passionné d'ornithologie et bagueur pour l’Institut des Sciences Naturelles. Je passais tous mes temps libres avec lui, sur le terrain, pour faire de l'ornithologie. Cette passion m'est restée avec des hauts et des bas ponctuée par des périodes d'intenses passions partagées avec quelques amis. Mais la frustration de rentrer à la maison et de ne pas pouvoir partager les plaisirs des observations avec mes proches m'ont amené naturellement à commencer à prendre des photos via ma lunette d'observation bien avant qu'on commence à parler de digiscopie...La joie de pouvoir montrer le torcol ou le butor observé après de longues heures d'affût complétait la joie de l'observation. Je trouvais que la digiscopie me limitait dans mes désirs graphiques. Cette technique m'apportait une pleine satisfaction pour les prises de vue rapprochées mais la dimension esthétique et de graphisme me manquait. C'est pourquoi, je suis passé au réflex numérique. C'est aussi l'époque à laquelle j'ai décidé de faire évoluer ma société Adventures Sign, orientée vers la communication basée sur l'image et le graphisme, vers le tirage photographique grand format. J'ai aussi créé à cette époque le concours photos Aves et les expositions d'Art Animalier qui m'ont permis de rencontrer nombres de photographes et m'ont encré dans la photo animalière et dans le milieu de la photo animalière de manière durable.

COW - Que te procurent l’Afrique et sa faune sauvage comme émotions particulières ?

HB - Pour répondre à cette question, je devrais faire un peu de psychanalyse… Plus sérieusement, je dois, pour cela retourner en arrière. Lorsque j'avais 6 ans, notre maîtresse d'école a amené la classe voir un film qui est resté à tout jamais gravé dans ma mémoire : « born free ». Ce film se passe au pied du Kilimandjaro, au Kenya et raconte l'histoire de l'adoption d'un lionceau par un couple de coloniaux travaillant dans un Parc National.  Chaque fois que je voyais à la télé une histoire se passant en Afrique Sub-saharienne c'était un réel plaisir, du rêve... Le feuilleton Daktari n'y est pas pour rien non plus. Quand je suis en Afrique, ce n'est plus du rêve, la sensation est réelle, forte… Non seulement par l'environnement mais par les gens eux-mêmes qui ont gardé une authenticité que nous avons perdus.

Henry Brousmiche - Vautour africain à dos blanc (1)

COW - Toi qui est passionné par l'Ethiopie, peux-tu nous livrer en quoi la découverte de ce pays a touché particulièrement ton coeur, par rapport à d'autres pays africains ?

HB - L'Ethiopie est un pays dont on parle peu... Ou alors, quand on en parle c'est pour parler guerre et famine. Mais c'est mal connaître ce pays qui, fort de plus de 80 ethnies, vit globalement en paix. Le seul grand problème est que c'est un pays chrétien orthodoxe copte entouré de pays musulmans... L'Ethiopie est riche au niveau de son histoire, de sa religion, de ses cultures, de ses langues mais surtout ce qui m'intéressait c'était la richesse de ses paysages et de sa faune. Parallèlement à ce côté faunistique, il y a le côté culturel, la rencontre avec des ethnies incroyables, des gens sortis tout droit du fond des temps. Ayant l'envie de faire un voyage ornitho-photographique, j'ai saisi l'occasion qui m'était donnée de partir pour trois semaines à la recherche des oiseaux endémiques d'Ethiopie en 2005. C'était un voyage purement ornithologique. J'en suis revenu avec 5000 photos et ai imaginé faire un portfolio reprenant les espèces phares d'autant plus qu'il n'existait pas de livre sur la faune de ce pays... C'est donc sur cette base que je suis reparti seul en 2008 pour finaliser ce projet. J'avoue je suis véritablement "bleu" de ce pays. Le livre « Ethiopie, contrée sauvage » est le fruit de cette démarche.

Henry Brousmiche - Babouin Gelada (1)

COW - Actuellement, moins de 500 loups d’Abyssinie se partagent les hauts plateaux éthiopiens… Les jours du loup africain semblent comptés : Territoire exigu grignoté par l’homme, maladies ravageuses (notamment la rage…). Quel est selon toi, l’avenir de cette espèce endémique et comment peut-on œuvrer pour sa protection ?

HB - Les populations de Loups d'Abyssinie situées hors des Bale Moutains, notamment dans les Montagnes du Simiens, sont telles que le nombre d'individus ne permettront plus de pérenniser l'espèce. Ces micro-populations, dispersées vont disparaître dans les années qui viennent dans une certaine indifférence. Dans les Bale mountains qui abritent plus de la moitié de leur population le loup d'Abyssinie  est pris en charge par la Frankfurt Zoological Society. La gestion est sérieuse et de nombreux « scouts » autochtones sont recrutés pour une surveillance sur le terrain 24h sur 24 afin de suivre les loups. Malheureusement la pression démographique dans le Parc National est énorme, le besoin de place pour l'élevage et l'agriculture grignote l'espace vital du loup. Le nombre de chiens est trop élevé et les problèmes de croisement mais aussi de rage et maladie de carré mettent en échec tous les programmes de conservation. Il y a eu, en 2009  une grande campagne de vaccination des chiens et des loups et de nouveaux règlements devraient obliger les autochtones à n'avoir que maximum deux chiens, qu'il soient vaccinés et enfermés la nuit. Le problème restera de mettre ces bonnes intentions en œuvre. Mon espoir est que l'attrait du Loup d'Abyssinie et des autres animaux endémiques de Balé, Nyala de montagne, le rat-taupe géant ou le Singe de Balé attirent les touristes à la recherche d'une faune extraordinaire et unique en Afrique. Cet intérêt permettrait aussi d'attirer l'attention des autorités les invitant à mettre plus de moyens dans la conservation afin d'imaginer un avenir au Loup d'Abyssinie.

COW - As-tu eu déjà l’occasion de réaliser cette rare et mythique rencontre ?

HB - Il est assez facile de rencontrer le loup d'Abyssinie quand on circule sur les pistes du plateau de Sanetti à 4000 mètre d'altitude. Il n'est pas rare de le voir chasser à quelques dizaines de mètre du véhicule et de pouvoir sortir de celui-ci afin de prendre cette scène en photo. Le froid, le vent et la vision du canidé le plus rare au monde est une sensation unique.

 (1) Henry Brousmiche - Loup d'Abyssinie

COW - Tu es un passionné d’oiseaux et de nature, depuis plus de 3 décennies. Quels sont les conseils que tu pourrais nous apporter en matière d’observations ornithologiques ?

HB - Je pense qu'il faut distinguer l'observation ornithologique en Europe et en Afrique… L'observation et surtout les prises de vue dans nos contrées ne sont  pas simples. En Ethiopie, 864 espèces d'oiseau sont observables dont 16 endémiques, ils sont nombreux et relativement peu farouches. L'approche est souvent facile et, avec un peu de patience et de simples jumelles, on arrive à observer une quantité appréciable d'oiseaux. Lors de mon premier voyage en Ethiopie, en compagnie d'un guide spécialisé, nous avons identifié en 3 semaines 498 espèces... Le secret est de contacter à chaque étape un guide ornithologue autochtone qui connaît les bons spots.

COW - Au fait, quel est l'oiseau africain qui te fascine le plus et pourquoi ?

HB - Beaucoup de famille d'oiseaux africains m'émerveillent, que ce soient les guêpiers ou les touracos, leur rencontre est toujours un réel moment coloré et de plaisir. Mais la rencontre la plus extraordinaire s'est passée dans les Monts Simiens. Un os posé sur un monticule de pierres à quelques pas du magnifique Simien Lodge à 3260 mètres d'altitude. Je m'installe sous ma couverture camouflée. Seul un Corbeau corbivau, corvidé endémique d'Ethiopie vient inspecter les lieux de manière craintive. Après une heure et demi d'attente, je décide de retirer le camouflage et me voici bien visible. Il a suffit de 3 minutes pour que 16 corbeaux envahissent le monticule de pierre et, quelques minutes après se pose le premier Gypaëte barbu... Un vautour de plus de 2,5 mètres d'envergure, mangeur d'os.  Pas moins de 6 différents individus  se succèderont devant mes objectifs me regardant dans les yeux mais nullement inquiets. Quelle vision extraordinaire, je me suis senti tout petit devant ce géant.

Henry Brousmiche - Gypaete barbu (1)

COW - Quelle serait la scène animalière que tu rêverais de prendre en photo ? Ta quête du Graal, en quelque sorte ?

HB - Je ne cherche pas le sensationnel, je prends ce que la nature me donne avec un plaisir non dissimulé. J'ai autant de bonheur à observer et photographier un Souimanga Taccazze dans les jardins d'un hôtel quelconque que de rechercher pendant des heures le Touraco Violet dans le Niokolo Koba. Il y a cependant une espèce que j'aimerais photographier, c'est le bec en sabot. Mais, jusqu'à présent, mes voyages ne m'ont pas amené dans son aire de présence.

COW - As-tu déjà pris un risque pour immortaliser certaines scènes et réaliser LA photo ?

HB - Je n'ai jamais pris de risque ni pour moi ni pour les animaux (ou la nature) que j'ai photographié car j'estime que la certitude de faire la meilleure photo du monde ne vaut pas le dérangement et le risque de mettre en danger un individu ou une couvée. Je pense par contre que la personne qui prend ce risque de dérangement n'est pas un bon photographe et certainement pas un naturaliste. En tant que photographe animalier, nous photographions la vie sauvage telle qu'elle est... Le maximum que je m'autorise est le nourrissage, et encore, avec circonspection et en connaissance de cause. Je prends souvent l'exemple de la mise d'une carcasse de mouton pour appâter l'aigle dans les Balé Mountains qui attire le Loup d'Abyssinie et lui fait prendre goût au mouton qui le poussera immanquablement à attaquer les moutons vivants et de se faire abattre par les bergers... Petite cause... grandes conséquences.

COW - Peux-tu nous en dire un peu plus sur les choix de tes boîtiers, de tes objectifs et les réglages de tes appareils photos ?

HB - J'ai choisi du matériel Nikon. Le D3 est mon boîtier principal sur lequel est monté en permanence le 200-400mm VR et le multiplicateur 1,7. Je pars toujours avec un second boîtier, le D80 avec le 28-200 mm qui me sert principalement à réaliser paysages et les portraits. J'emporte le 105 mm pour la macro et le 50mm 1,8 mm. J'utilise 1 pied Gitzo et une rotule Wimberley II. En animalier, je travaille entièrement en réglage manuel à l'exception de la sensibilité que je laisse en automatique. Ce qui me permet d'être extrêmement souple en toutes circonstances. La plupart des photos sont réalisées à main levée. Pour l'animalier en général, j'utilise des vitesses élevées afin de bien figer les mouvements.

COW - En photographie, quelles sont tes qualités et défauts ?

HB - Je suis un passionné d'ornithologie et d'animaux en général, ce qui me fait parfois passer à côté de photos de paysages qui mériteraient à eux seuls le déplacement.

(1) Henry Brousmiche - Inseparable à ailes noires

COW - Quels sont les 5 règles ou conseils que tu pourrais donner aux membres de Colors Of WildLife pour réaliser une bonne photo ?

HB
1. Bien  préparer son voyage et ses contacts sur place.
2. Avoir son matériel prêt à tout moment en ayant bien vérifié les réglages de base.
3. Profiter de toutes les opportunités qui se présentent sur le terrain.
4. Faire et refaire des prises de vue même si on estime avoir déjà fait des photos de cette espèce.
5. Ne pas négliger le post-traitement des photos.

COW - Tu as eu l’occasion de découvrir l’Exposition Afrique Terre de Couleurs, en avant première au Festival de Montier en Der. Ton avis sur l’exposition ?

HB - Impressionné, je suis vraiment impressionné par le travail réalisé. Je suis très heureux d'accueillir cette expo à Namur en octobre 2010. L'Afrique au travers de l'objectif de nombreux photographes dont des photographes africains.

COW - Tu dis « Le passage dans des contrées riches en vie sauvage ne m’empêche pas d'ouvrir grand les yeux sur les problèmes humanitaires et d'y consacrer pas mal d'énergie. » Peux-tu nous en dire un peu plus sur le projet humanitaire relatif à l’eau et son accès, que tu mets en place au sein d’une communauté Massaïs ?

HB - Depuis des années, je parcoure l'Afrique et profite des paysages, d'une faune extraordinaire dans des conditions souvent excellentes. J'ai eu souvent l'occasion de partager le quotidien d'Ethnies au mode de vie primitif qui vivent dans des conditions souvent pénibles. Que ce soit en Ethiopie chez les Hamars, chez les Peuls au Sénégal ou en Tanzanie chez les Massaïs, j'ai toujours été accueilli comme un invité de marque. C'est donc naturellement qu’est venue l'idée de faire un échange de bon procédé. Ils me permettent de profiter de leur environnement et je leur apporte ce que je peux. Au mois d'avril 2009, j'ai été invité à des cérémonies particulières à Handeni, dans un Village Massaï. Accompagné de mon fils Simon, nous avons passé 12 jours avec eux. L'accès à l'eau, là comme en beaucoup d'endroits dans le monde est difficile. Les femmes passent leur journée à aller chercher de l'eau pour la consommation domestique. Naguère, les Massaïs, pasteurs, allaient de pâturages en pâturages, de puits en puits et ne manquaient jamais de rien. Aujourd'hui, l'Etat les oblige à se sédentariser et donc à dépendre des pâturages et des puits à proximité de leur village. Nous étions présents au mois d'avril, période des pluies. Les puits étaient quasi vides et l'herbe brulée commençait à manquer cruellement. Ce qui a amené à une catastrophe au mois de septembre... Des centaines de vaches mortes de faim et de nombreux villageois atteints du choléra. Nous avions donc décidé, Simon et moi de mettre toute notre énergie à financer un approvisionnement en eau au Village (10.500 personnes). A ce jour nous avons financé 2 réservoirs de 10.000 litres qui ont été installés au mois de décembre 09 afin de récupérer les eaux de pluie grâce à la générosité de plusieurs sociétés et de privés. Nous recherchons encore les moyens de financer la pompe à eau manuelle qui ira chercher l'eau dans la nappe phréatique. Sur mon site , je propose un suivi au jour le jour du projet. Nous cherchons encore de nombreux donateurs et des gens susceptibles de nous aider à récolter des fonds sachant que 100% des dons sont utilisés sur place pour le projet.

Henry Brousmiche - Massai (1)

COW - Pour terminer : As-tu des projets en perspectives (livres, expositions en préparation…) que tu souhaiterais partager avec nous ?

HB - Plusieurs expositions sont d'ores et déjà prévues notamment le quatrième volet de l'exposition Afrique Terre de couleurs. Une nouvelle exposition extérieure en collaboration avec 4 autres photographes. Mais tout cela est en phase d'élaboration...

(1) Crédit photos : Henry Brousmiche
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