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Le forum des grands espaces sauvages africains

 
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le 14 Octobre 2007 à 23:15:00
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La seconde interview de Colors of WildLife est consacrée à un photographe animalier de talent qui capture des instants magiques, rendant ainsi un bien bel hommage à de nombreux sanctuaires animaliers, qui peuplent notre planète terre (Kenya, Venezuela, Inde etc…) :

Tony Crocetta


Tony Crocetta (1)

Nous le remercions, vivement d'avoir accepté de se prêter à cet exercice.

L'on dit de lui sur COW qu’il est : "un de ces passionnés capable de vous transmettre le virus en quelques dixièmes de seconde"
Il dit de lui, tout simplement : "qu'il est un photographe animalier globe-trotter..."

En effet, sa passion pour les grands espaces sauvages et la faune qui l'habite, le conduit, depuis une vingtaine d'année, aux quatre coins du monde, pour y réaliser d'excellents reportages animaliers.
Pour n'en citer que quelques uns :
- L'étreinte de l'anaconda (Vénézuela)
- Les tortues marines (Mayote)
- Lac Baringo (Kenya)
- Chasseurs de serpents (Inde - Etat du Tamil Nadu)

Cet ardent défenseur des richesses naturelles de notre planète, milite également activement au sein de l'association Noé Conservation, qui prône la sauvegarde de la biodiversité.

Pour en savoir un peu plus : son site (reportages et galeries photographiques).


COW - Comment es-tu devenu photographe animalier ? Peux-tu nous résumer ton parcours ?

TC - Tout a commencé un peu par hasard, lorsqu’un copain me prête son appareil réflex… En 1982, un très moderne canon AE1 pour l'époque. Dès que je porte l'œil au viseur, je suis subjugué par la visée claire et précise : c'est le coup de foudre immédiat ! Je casse alors ma tirelire pour acquérir un boîtier du même modèle… Et je me mets en quête de sujets. Très vite je me rends compte que photographier les gens ne m'intéresse pas et je me tourne vers les sujets nature, les fleurs d'abord, puis les insectes. Mais la région parisienne avait peu de chose à m'offrir dans ce domaine et j'ai commencé à voyager, surtout en Afrique, mon rêve depuis toujours... J'engrangeais les classiques photos de vacances lorsque le hasard m'a fait traverser un parc national dans le nord du Togo. Pour la première fois j'observais et photographiais, très mal d’ailleurs, dans leur milieu naturel des éléphants, des babouins, des antilopes… Je venais de découvrir, trois ans après mon achat (j'avais alors 26 ans) l'alchimie de mes trois passions qui allait décider désormais de mon avenir : la photographie, le voyage… et le contact intime avec la nature sauvage : j’étais devenu ce jour là photographe animalier…

Tony Crocetta - Le choc des titans (éléphants) (1)

COW - Comment mesures-tu les risques avant de planquer sur un spot ? Et en as-tu encouru pour immortaliser certaines scènes ? Si oui, peux-tu nous faire part d’une des expériences qui t’a marquée ?

TC - On ne devrait prendre aucun risque lorsque l’ont photographie des animaux, il y a des règles à respecter et un photographe responsable doit être animé d’une certaine éthique avant d’aborder un sujet. Mais la théorie est une chose, la réalité du terrain en est une autre : si tu veux, par exemple, photographier l’euplecte franciscain (un tisserin vermillon) endémique du lac Baringo au Kenya, souvent pas d’autres alternatives que de descendre du bateau et patauger dans le marais, avec de l’eau parfois jusqu’au nombril… Le marais qui est justement l’habitat privilégié de nombreux hippopotames et crocodiles. J’accepte volontiers ce risque et les conséquences qui pourraient en découler face à la promesse d’une belle image de l’oiseau… Que bien peu de photographes ont mis en boite il faut bien le dire.
J’ai vécu une terrible expérience il y a quelques années alors que je travaillais sur l’anaconda au Venezuela… Je me suis fait attaquer très tôt un matin par une femelle zébu qui a tenté de m’encorner a plusieurs reprises. Je crois bien que j’ai eu la vie sauve parce que j’ai feint la mort. Cette expérience m’a terriblement marqué : j’ai compris ce jour là ma véritable place au sein du règne animal, je n’étais plus le photographe en quête de l’animal mais un intrus qui œuvrerait désormais avec la plus grande humilité.

Tony Crocetta - Euplecte franciscain (1) tony Crocetta - Euplecte Vorabe (1)

COW - Peux-tu nous raconter ta meilleure photo ? Pas forcément la plus primée, la plus publiée, la plus connue, celle de l'espèce la plus rare, mais plutôt l'élue de ton cœur, celle que tu n'oublieras jamais, parce qu'elle t’a peut-être donné du fil à retordre. Comment l'as-tu préparée, pressentie ?

TC - C’est toujours une question difficile car choisir une image suppose d’en dévaluer d’autres tout aussi dignes d’intérêt. Mais bon, puisqu’il faut choisir disons que j’aime bien celle des 4 capibaras au couchant dans un marais des Llanos vénézuéliennes. En avril, juste avant la saison des pluies dans cette partie du globe, le ciel est incroyablement brumeux et se pare de teintes rosées juste avant le crépuscule. En fait j’avais « vu » cette image la veille de sa création alors que des familles de cabiais (ou capibaras) se prélassaient dans un marécage. Je me suis mis en place très tôt le lendemain pour habituer les animaux à ma présence et j’ai attendu patiemment la descente du soleil - photographié avec mon plus puissant couple convertisseur/téléobjectif pour en augmenter le diamètre - alors que les gros rongeurs organisaient eux même une très esthétique composition. Ce cliché fut mon meilleur ambassadeur pour la commercialisation de mon sujet sur les Llanos et a obtenu le prix mammifère de Montier-en-Der en… 1998 (bigre ! Comme le temps passe…).

Tony Crocetta - Cabiai (1)

COW - Quelle serait la scène animalière que tu rêverais de prendre en photo ? Ta quête du Graal, en quelque sorte.

TC - Sans aucun doute une image - même un simple portrait - d’un léopard noir qui hante le parc d’altitude des Aberdares au Kenya. Pour tout vous dire, je l’ai aperçu un matin, très furtivement, alors qu’il se prélassait au soleil sur une piste à près de 3000 mètres d’altitude. Pas eu le temps de dégainer. Un esprit cartésien vous dira que la probabilité ne serait-ce que d’apercevoir à nouveau un poil de ses moustaches est proche de zéro !!! Mais il me plait de vivre avec ce rêve…

COW - Tu te distingues de plus en plus des autres photographes animaliers par tes reportages insolites. Choisis-tu toi même tes sujets de reportages ou travailles tu sur commande de la presse spécialisée ? Quels sont tes prochains thèmes de reportages ?

TC - J’ai toujours choisi mes sujets en fonction de mes coups de cœurs (glanés ici et là suite a un surf sur la toile, un documentaire animalier télévisé, la rencontre d’un biologiste, une brève dans un magazine…) pratiquement jamais sur commande, même si c’est arrivé quelquefois. Une commande implique une obligation de résultat peu compatible avec le côté aléatoire de la photographie animalière et des conditions de lumière par définition incertaines. Et puis dans ce métier, la liberté est un luxe bien agréable. Je travaille actuellement un sujet sur l’ibis rouge mais il en est, pour l’heure, à ses balbutiements.

Tony Crocetta - Ibis rouge (1)

COW - Peux-tu nous en dire un peu plus sur les choix de tes boîtiers, de tes objectifs et les réglages de tes appareils photos (RAW et/ou JPEG, courbes de rendu personnalisées, réglage doux dans l'optique d'un meilleur traitement à posteriori ou réglages pour un rendu proche du résultat final, etc...) ?

TC - Je suis un canoniste convaincu depuis toujours, équipé aujourd’hui avec un EOS Mark II. Mes objectifs de prédilections sont les 70/200mm f/2.8 & 500 mm f /4 auxquels j’adjoins un convertisseur 1.4. Je travaille quasi exclusivement en RAW, sauf dans certain cas particuliers lorsqu’il s’agit de sujets réalisés directement pour la presse et que je n’ai pas l’intention de rentrer en agence. Tous mes boîtiers sont calés sur zéro (contraste, saturation & piqué…etc.), le post-traitement s’effectuant, après dérawtisation, en tiff, sous logiciel de retouche. Rien d’autre.

COW - Jusqu'à quel point t’autorises-tu à retoucher certaines images ? T’autorises-tu à recadrer certaines photos, à gommer un détail gênant ou effectues-tu d’autres opérations pour les rendre "plus sexy" ? Bref, quels sont les choix et compromis que tu as dû faire pour affiner la "griffe Tony Crocetta" ?

TC - Post-traiter ne signifie pas « travestir » une image et encore moins la réalité. Cependant, vendre ses images (ce qui, vous en conviendrez, est la moindre des choses pour un professionnel) implique de proposer du matériel plus séduisant que les confrères. Outre les sujets choisis, je l’espère originaux, j’ai un faible pour les couleurs vives et acidulées. C’est d’ailleurs peut être pour cette raison que je me suis un peu spécialisé sur les oiseaux. Recadrer une image, très légèrement, se justifie parfois pour faire « passer » un sujet dans un magazine ou dans le cadre d’un tirage d’expo, mais jamais lorsqu’il s’agit de rentrer cette même image dans une agence. De la même façon, il m’est arrivé de gommer une brindille, une herbe ou une branchette qui parasitaient l’esthétique globale d’une image mais, pour ce qui me concerne, cela reste une pratique très occasionnelle. Enfin, j’avoue déplacer le curseur de la saturation peut être parfois juste à la limite de ce qui serait nécessaire, en veillant à conserver toutefois un effet naturel. Mais je revendique et assume pleinement ce choix. Les oiseaux, je le crois, le valent bien !

(1) Tony Crocetta - Parade amoureuse des grues royales

COW - En post-traitement, quel(s) logiciel(s) utilises-tu pour gérer les flux d'images, le traitement du bruit, la correction des optiques, la netteté, etc...) ?

TC - J’utilise uniquement deux logiciels, le dérawtiseur Canon « Digital Photo Professionnel » et celui de retouche le plus complet qui soit, Photoshop of course. Mais uniquement pour les opérations de base : retouche des niveaux, contraste, saturation, accentuation (légère), éventuellement discret recadrage et suppression des tâches dues aux poussières sur le capteur. Tout le reste est superflu et n’est que perte de temps. Cela hérissera sans doute le poil de certains, mais corriger électroniquement les optiques est à mon sens sans aucun intérêt en photographie de nature. Les photos sont faites pour être montrées, pas pour être bidouillées.

COW - Quels sont les cinq règles ou conseils que tu pourrais donner aux membres de Colors Of WildLife pour réaliser une bonne photo ?

TC - Connaître parfaitement son matériel et la technique photo… Pour mieux l’oublier et se consacrer à l’essentiel : mise au point, cadrage et déclenchement ! La principale difficulté en photo animalière est, outre l’approche de l’animal (ceci n’est pas souvent vrai en Afrique de l’est et australe), la réalisation très précise du point et sa retouche permanente sur un sujet par définition mobile. Cadrer selon des règles esthétiques connues depuis la Grèce antique et anticiper l’action pour déclencher au « bon » moment conditionnent la réussite d’une image… ou non. Mise au point, cadrage et déclenchement, je crois que tout est là !

Tony Crocetta - Pygargue vocifer (1)

COW - Peux-tu nous en dire, un peu plus sur ton implication dans L’Association Noé Conservation de protection qui prône la sauvegarde de la biodiversité ?

TC - J’ai rencontré Arnaud Greth, son président, alors directeur scientifique pour le WWF, il y a une quinzaine d’années en République Centrafricaine. Je m’y étais rendu, entre autre, pour tenter d’observer la sous-espèce longipes du rhinocéros noir. Hélas, les dernières traces de présence avaient disparu depuis un an - Je viens d’apprendre par ailleurs tout récemment la probable extinction de cette sous-espèce dont les derniers représentants évoluaient encore au Cameroun et dont on ne trouve plus désormais signe de vie – J’avais, en quelque sorte, assisté en direct à l’extinction définitive et sans retour d’un être extraordinaire et j’ai compris alors que l’Afrique ne serait plus jamais la même. Les photographes animaliers sont les témoins privilégiés de l’érosion de notre patrimoine naturel parce qu’ils sont aux avant-postes. Arnaud m’a proposé de rejoindre l’équipe fondatrice de Noé Conservation voilà trois/quatre ans. Militer activement au sein d’une association prestigieuse est un moyen, je le crois efficace, de relayer notre message auprès d’un large public. C’est surtout la moindre des choses qu’un photographe de nature est en devoir de faire…

Tony Crocetta - Rhinocéros noir (1)

COW - Comme nous sommes un forum dédicacé aux grands espaces sauvages africains : que ressens-tu (en terme émotionnel) pour l'Afrique, par rapport aux autres continents sur lesquels tu travailles ?

TC - L’Afrique à quelque chose d’unique qu’aucun autre continent ne possède et ne possèdera jamais : son immensité, sa biodiversité étonnante et ses espèces tellement spectaculaires et charismatiques. C’est une chance si incroyable qu’elle nous soit livrée et accessible encore aujourd’hui, quasiment intacte et si proche de ses origines, même si le temps des hardes d’éléphants en migration sur tout le continent est désormais révolu. Je me souviens encore, c’était il y a 20 ans, de ma toute première girafe déambulant sur les pailles jaunes et dans la lumière chaude du Serengeti : j’avais le sentiment bien réel d’un extra-terrestre et d’être sur une autre planète : l’Afrique c’est exactement ça, une autre planète !

COW - Quel est ton parc africain favori ?

TC - Sans aucun doute les réserves jumelles de Samburu et Buffalo Springs au Kenya : paysages à couper le souffle… et au milieu coule la rivière ! Elles comptent à elles seules bon nombre d’espèces endémiques ou vraiment extraordinaires. Une liste non exhaustive : zèbre de Grévy, girafe réticulée, gérénuk, pintade vulturine, spréo royal, dik-dik de Günther, coliou à tête blanche… Ajoutez à cela une concentration de léopards comme nulle part ailleurs, des lions par dizaines, des guépards et de nombreuses hardes d’éléphants… Et je ne vous dis rien sur les oiseaux, dont de nombreux rapaces…

Tony Crocetta - Guépard et jeune (1)

COW - Peux-tu nous parler des stages, safaris que tu organises en Afrique (dans le cadre de Melting Pot Safaris), à qui sont-ils accessibles ? Comment cela se passe-t-il?

TC - Pour expliquer très simplement, nous avons créé - avec l’aide précieuse d’un ami kenyan guide naturaliste professionnel - une structure dédiée aux amoureux de la nature et aux photographes animaliers, qu’ils soient professionnels, amateurs éclairés ou amateur tout court, voire totalement néophytes, en m’appuyant sur ma propre expérience et mes frustrations passées. Dans la pratique, tout est mis en œuvre pour offrir l’optimum en matière de rendement photographique, ornithologique, vision, confort et aspect pratique et logistique. Les véhicules ont été transformés tout spécialement pour les photographes. Les circuits et les parcs sont choisis en fonction de la saison pour optimiser le temps sur le terrain et non pour parcourir des centaines de kilomètres superflus sur des pistes abominables. L’idée, en fait, est de mixer un safari déjà pas forcement classique au départ, à un stage photo personnalisé.

(1) Tony Crocetta - Véhicule Melting Pot Safari

COW - Quelle est la scène animalière lors de ton dernier voyage photographique au Kenya, qui t’as le plus émue ?

TC - Un grand moment de tendresse entre une mère hyène tachetée et son rejeton dans le parc d’Amboseli. Cet animal a une bien mauvaise réputation, allez savoir pourquoi. Je planquais un terrier bien connu depuis un moment lorsqu’un petit s’en est extrait pour venir agacer sa mère qui somnolait à quelques pas. Comme toujours, l’instinct maternel est si puissant.

Tony Crocetta - Hyène et jeune
(1)

COW - Pour terminer : as-tu des projets en perspectives (livres, expositions en préparation…) que tu souhaiterais partager avec nous ?

TC - Puisque ce n’est déjà plus confidentiel et que vous m’en donnez l’occasion, Je ne peux résister à vous annoncer une exposition qui aura lieu à Drancy, ma ville, proche de Paris, et programmée pour fin mars 2008 (NDLR : voir forum). La ville de Drancy est maîtresse d’œuvre de cette exposition, Fujifilm France et le laboratoire parisien Rainbow Color seront les partenaires. Ce sera quelque chose d’extrêmement ambitieux, tant au niveau du contenu que dans la présentation, les moyens mis en œuvre seront assez considérables et, croyez moi, encore jamais vu… Six photographes animaliers français de renom porteront leurs regards croisés sur notre biodiversité à l’échelle planétaire et donneront leur point de vue lors d’une conférence commune et de rencontre avec le public. Cette exposition sera présentée par la suite en France et à l’étranger lors de différentes manifestions culturelles prestigieuses. Je ne manquerai pas bien sur de communiquer à la très sympathique communauté COW des informations beaucoup plus précises prochainement…Mais pour l’heure, désolé, j‘ai un rendez-vous avec l’Afrique…

(1) Photos de Tony Crocetta.
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